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interview - portrait

© Ana-Maria Filip

Publiée le 02 février 2024.

Ana-Maria Filip,basketteuse pro5x5 & 3x3

Ana-Maria Filip,basketteuse pro 5x5 & 3x3

© Ana-Maria Filip

Ana-Maria Filip est une basketteuse professionnelle internationale française évoluant actuellement en Ligue Féminine de basket-ball 5x5 au poste d’intérieure.

Un parcours & un palmarès très riche : Équipe de France Junior en 5x5, puis Sénior, des saisons dans les plus grands clubs nationaux (Bourges, Villeneuve-d’Ascq, Tarbes, Lattes-Montpellier, Flammes Carolo), des coupes, des médailles, des Championnats d'Europe, du Monde, des Jeux Olympiques, cinq années en Équipe de France 3x3 pour laquelle elle a été capitaine et enfin un retour sur les parquets en 5x5, au plus haut niveau, en septembre 2023.

Pour 1MÊTRE90, Ana-Maria a accepté de se confier sur son parcours, au travers du vécu de sa grande taille : 1m95

Retour sur son enfance et sa passion première pour un tout autre sport, son entrée à l'INSEP à 14 ans, ses émotions au 5x5 et le jour où le 3x3 a définitivement changé sa vie. Confidences également sur son quotidien, ses futurs challenges et sur sa fierté d'être devenue maman tout en affirmant sa détermination de rester dans le 'game' du haut-niveau !

© Ana-Maria Filip

«

J’aime ce que le sport peut m'apporter,
la préparation, le mental, la compétition, les résultats.

Chaque jour, je suis encore plus motivée.
Je veux gagner encore plein de titres,
avoir toujours et encore plus de médailles,
soulever des coupes ...
J'en veux !

»

enfance

enfance

© Ana-Maria Filip

 Quelle enfant étais-tu ? 

Ana-Maria Filip : « Je n'ai pas vraiment de souvenirs de mon enfance ou de jeux qui m'ont marqués. Je suis née en Roumanie et suis arrivée en France vers 5-6 ans pour rejoindre ma mère, basketteuse professionnelle, qui avait saisi l'opportunité de venir jouer ici. Toutes les deux sommes très proches. Nous avons construit une belle relation mère-fille. Enfant, elle m'emmenait partout avec elle. C'était bien. 

C'était bien aussi, parce qu'à l'école, je me suis aperçue, très tôt, être différente des autres enfants. J'ai toujours su, compris que j'étais quelqu'un d'un peu à part. 

Déjà, je me savais différente parce que je n'étais pas française. Ma double culture et les péripéties que l'on a vécues avec ma mère en arrivant en France faisaient parler les gens. Il y avait toujours aussi cette petite musique qui revenait : "Si Ana ne comprend rien, c'est parce qu'elle est étrangère ..." Alors, je veillais tout le temps à me faire la plus discrète, je restais souvent en retrait.

Et puis, je me savais différente de par ma taille. On m'a toujours dit clairement que j'allais être très grande. En classe de CE2, j'étais aussi grande que l'institutrice. J'essayais de me faire la plus petite possible, bien que cela ne le soit pas. Ma seule préoccupation, enfant, était d'échapper aux remarques que l'on faisait déjà continuellement sur ma grande taille. »

 

 Quels étaient tes rêves d'enfant ? 
 Avais-tu des passions ? 

Ana-Maria Filip : « J'avais 'UNE' passion, qui était aussi 'MON' rêve, mais il a été violemment brisé.
À l'âge de 9 ans, je pratiquais la gymnastique (poutre, sol, barre, etc.) et je n'avais qu'une seule idée en tête, devenir une athlète comme Nadia Comăneci, "LA" star de la discipline en Roumanie. J'étais fan, je voulais devenir comme elle, je m'imaginais suivre le même parcours. Mais l'entraîneur a expliqué à ma mère que ce n'était pas un sport fait pour moi à cause de ma taille, je mesurais déjà 1m70.
Je l'ai vécu comme une énorme déception. J'en ai été extrêmement malheureuse, ultra-déçue de devoir arrêter ce sport que j'aimais plus que tout. Pour moi la gym, c'était ce que je voulais faire dans la vie ! Et on m'en a privé net, comme ça. J'en ai terriblement voulu à ma mère. Ça a été vraiment un moment très douloureux. »

 

 C'est à cet âge que tu as commencé 
 le basket ? 

Ana-Maria Filip : « Il fallait me faire faire une activité sportive, alors ma mère m'a emmenée avec elle au basket. J'ai intégré le club de l’AS Roanne. C'est elle qui me coachait. Elle m'a entraînée à la "méthode des Pays de l'Est" (rires). Elle m'a appris à maîtriser en premier tous les fondamentaux, donc c'était une vraie bonne méthode. Elle m'a aussi et surtout appris la rigueur. 
Mais elle était "duuurrrre" ... ! Je la trouvais vraiment très dure avec moi, plus qu'avec les autres filles. Elle me criait dessus en roumain devant le reste de l'équipe, qui nous regardait. 
Je n’aimais vraiment pas ces moments-là.

Pendant des années d'ailleurs, je n'ai vraiment pas aimé ce sport. Je n'ai pas aimé jouer au basket ! 
Mais j'ai suivi le mouvement : les sélections départementales, puis régionales, le championnat de France minimes ...
»


 L'idée d'en faire ton métier 
 ne t'effleurait pas l'esprit ? 

Ana-Maria Filip : « Non ... Même pas ! ... Moi, j'étais juste avec les copines et c'était bien. Je ne me rendais pas compte. J'ai d'ailleurs compris très tard que c'était un métier. Jusqu'à mes 14 ans et mon entrée à l'INSEP, avec un an d'avance, je n'avais jamais réalisé ce qui était en train de se dessiner pour moi. Je ne savais même pas que je prouvais prétendre à faire une carrière dans ce sport !

Quand on m'a annoncée que j'avais le potentiel pour faire partie de l'équipe de France Jeunes 5x5 , mais que je ne pouvais l'intégrer pour participer à l'Euro cadettes, étant roumaine, ça a été une "douche froide". Je ne voulais pas être à nouveau privée du sport qui m'animait quotidiennement ! Alors, nous avons fait les démarches pour que j'obtienne la nationalité française. Ça a été vraiment la course. Heureusement, nous avons réussi à temps. »

 Tu nous as dit avoir 14 ans 
 quand tu as intégré l'INSEP. 
 Que se passe-t'il dans ta tête 
 d'adolescente, à ce moment-là ? 


Ana-Maria Filip (grand sourire) : « Mon entrée à l’INSEP a été une "dé-li-vran-ce" ! Déjà, parce que c'était super d'être tous les jours en jogging ! (rires) Non mais c'est vrai ! ... 

Bon ... Sinon, j'ai bien ressenti que ma mère était un peu triste. À Toulouse, j'étais loin d'elle. Après, moi, de mon côté, à l'INSEP, je ne me sentais pas seule. Je me suis faite de nouvelles copines, donc je le vivais bien. Et surtout, j'avais très envie de m'émanciper - enfin -.

Ce qui a été nouveau pour moi, c'était qu'on ne me regardait plus comme "la fille qui est grande". On me regardait comme une basketteuse, comme une sportive. Là-bas, on te respecte pour qui tu es. Et si tu es là, ce n'est pas par hasard, c'est parce que tu le mérites, que tu as ta place. 

C'est à partir de ce moment que j'ai commencé à comprendre l'enjeu et à apprécier ce sport.

Je faisais partie d'un groupe, d'un collectif, qui me ressemblait. J'étais entourée de gens grands, de mêmes gabarits que moi. On était tous aussi dans le même panier. On avait les mêmes objectifs, on portait les mêmes habits, le même maillot. Il y avait un sentiment d'appartenance, une identification forte qui opérait.

On était à l'INSEP et on était tous "fiers d'en être" ! 

J'ai pris goût à cette émulation collective qui encourage à toujours se dépasser. Il y avait aussi de la compétition ; les rivalités se jouaient sur le terrain, lors des matchs du samedi ...

J'étais aussi très contente car, quand il y avait un problème lors de l'entraînement ou d'un match, je n'étais plus la seule à me prendre des réflexions et je pense que ça aussi, ça a tout changé ! »


 Ton adolescence signait-elle 
 la fin des complexes ? 

Ana-Maria Filip : « Oui et non. J'aimais être avec mes copines car on avait les mêmes conversations, les mêmes interrogations. Bon ... J’étais toujours malheureuse car c'était encore moi la plus grande des filles. Mais au milieu des garçons, ce n'était - enfin - plus moi la plus grande. 
Leurs regards sur moi ne me faisaient pas sentir comme différente. J'ai eu mes premiers flirts ... En cela, je n'ai pas mal vécu cette période. Je suis sûre que si j'avais suivi un cursus scolaire normal, je n'aurais pas aussi bien vécu mon adolescence.

Après, j'ai aussi répondu 'non' pour les complexes, car aujourd'hui encore, j'ai toujours ce sentiment de 'devoir' me fondre dans la masse. (silence)

En fait, ma personnalité ... c'est un peu le yin et le yang. Mes ami·e·s, qui me connaissent, disent de moi que je suis très expressive et très ... expansive. Je ris souvent très fort, c'est vrai (rires) ! Mais au fond de moi, aujourd'hui encore, je reste tout le temps sur mes gardes et veille à ne pas me faire trop remarquer.

Dans notre quotidien aussi, les phrases comme "les filles les plus grandes, mettez-vous derrière pour la photo", "les grandes, faites ceci ..." nous rappellent tous les jours notre différence. C'est pour cela que je me sais 'être', et 'devoir être', réservée. J'ai toujours cette peur en fait que les gens me regardent et voient un défaut à me reprocher ...

Mais c'est grâce au sport que j'ai pu m'ouvrir au monde. »

métier :
basketteuse pro.

métier :
basketteuse pro.

© Ana-Maria Filip

 Équipe de France junior en 5x5, Équipe de France séniors toujours en 5x5, des saisons dans les plus grands clubs nationaux (Bourges, Villeneuve-d’Ascq, Tarbes, Lattes-Montpellier, Flammes Carolo), des coupes, des médailles, des Championnats d'Europe, du Monde, des Jeux Olympiques, cinq années en Équipe de France 3x3, une pause maternité (tu es devenue maman fin 2022) et un retour sur les parquets en 5x5, au plus haut niveau, en septembre 2023 ...


 La question est : "Réalises-tu à quel point tu as un parcours de dingue ?" 

Ana-Maria Filip (sourire un peu surpris) : « Je suis une compétitrice. J'aime le sport, c'est comme ça ... Je suis de nature combative et encore plus avec le temps et les différentes expériences que j'ai cumulées. 

J’aime ce que le sport peut m'apporter, la préparation, le mental, la compétition, les résultats. Chaque nouveau jour, je suis encore plus motivée. Je veux gagner encore plein de titres, avoir toujours et encore plus de médailles, soulever des coupes ... Oui, j'en veux encore et tout le temps.

Enfant, c'était déjà dans ma nature. Ma mère ne m'aurait pas initiée au basket, j'aurais peut-être fait du volley, du hand ou un autre sport, je ne sais pas, mais j'aurais eu cette même mentalité, c'est certain. »

 

 Quels moments t'ont le plus marqués dans ton parcours jusqu'à présent ? 

> consulter la fiche de présentation de son parcours & palmarès

Ana-Maria Filip  : « C'est vrai, qu'en club, je participe à de très beaux championnats. Avec mes sélections avec les équipes de France 5x5 et 3x3, j'ai aussi vécu des moments très exaltants aux niveaux européen et internationaux.
Mais, je retiens surtout mon arrivée en 3x3 car ce moment de ma carrière a été "LE" déclic de ma vie, ça a été une révélation, "MA" révélation.

Je précise - avant de continuer - qu'aujourd'hui les mentalités ont évolué et c'est très bien. Heureusement.

En 2017, j'avais 28 ans, cela faisait 18 ans que je jouais en 5x5 et j'éprouvais le besoin, depuis quelques temps déjà, de sortir de ma zone de confort et de vivre de nouveaux challenges. 

(silence)

Déjà, au 5x5, quand tu es "grande", on te met d'office au poste d'intérieure, tu es le pivot, au milieu du terrain, qui passe les balles. 
Pour ma part, je ressentais que j'étais un peu considérée comme un pion et, étant "très grande", on me collait aussi facilement l'étiquette de la joueuse qui ne peut que être forcément un peu maladroite. Les initiatives de jeu m'étaient restreintes. Si je voulais dribbler, on me disait : "Oublie, ce n'est pas pour toi". Quand je voulais tenter de marquer des paniers à trois points, on me lançait : "Ne t'y risque pas". 

Le monde du basket me rappelait sans cesse à ses a priori : "Tu n'es pas coordonnée, mais c'est sans surprise, puisque tu es grande ; Tu as mal au genou, ce n'est pas étonnant parce que ... ; Tu ne sais pas courir, mais après tout c'est normal parce que ... ; Tu n'es pas assez athlétique donc ..." 

On me faisait en permanence clairement comprendre que mes performances ne pourraient être que toujours limitées à cause de ma taille. Je devais l'accepter et faire ce qu'on me disait car on savait mieux que moi. Et puis, c'était principalement les ailiers et les meneuses qui prenaient la parole, qui guidaient le jeu. On ne me demandait jamais mon avis.

J'intériorisais mes déceptions. 

À 28 ans, je n'étais plus une joueuse épanouie. Je n'étais pas heureuse dans ma vie à ce moment-là. Mon bilan était le suivant :
- "Ok, je suis une 'grande' fille et mon corps ne convient pas à la société."
- "Ok, je suis une 'grande' basketteuse et mon corps ne convient pas non plus."
Mon corps n'allait jamais à personne en fait ! Je me suis posée et dit que je ne pouvais plus vivre comme ça, dans cette souffrance. »

 

 Tu as envisagé d'arrêter le basket ? 

 Ana-Maria Filip  : « Non, mais je cherchais comment je pourrais me challenger, me prendre en main pour déconstruire tous leurs stéréotypes.

Mon raisonnement était : "Ce corps là, celui que tu as, celui qui fait que les gens te stigmatisent, celui qui fait que l'on te met dans une case, et bien ... tu vas faire en sorte de casser tous les a priori que les gens ont sur lui."

Je voulais surprendre et "faire taire" tout le monde. 

J'ai pensé au 3x3 qui commençait à susciter de plus en plus d'engouement. Dans cette discipline, être de grande taille ne fait pas partie des critères lors de la constitution de l'effectif. Je me suis dit qu'on ne miserait donc pas sur moi juste pour mon physique.

C'était en 2017, je savais que je ne serais plus appelée en équipe de France 5×5. J’ai décidé d'appeler le coach de l'Équipe de France 3x3, que je connaissais de par mes études à l’INSEP. Je lui ai demandé de me donner une chance d'essayer, de lui démontrer que j'en voulais et que je pourrais y arriver. Il a accepté de me donner l'opportunité de relever ce challenge. J'étais plus que re-motivée. J'avais un nouveau défi à relever ! »

 

 Tu as performé pendant cinq années en Équipe de France 3x3.  Tu as même tenu le rôle de capitaine !
 Ton challenge a donc été relevé 
 haut la main ?! 

Ana-Maria Filip  : « Le 3x3 a surtout tout changé. Le 3x3 a changé ma vie. Il a été le déclencheur de mon épanouissement à la fois sportif et physique, mais aussi mental.

Au début, ça a été un peu bizarre pour moi d'intégrer que le moment était venu d'exploser les barrières que le 5x5 avait imposé à mon jeu. J'ai dû me forger une mentalité de joueuse 3x3 ! 

Ma personnalité s'est révélée ; j'ai mis un stop à ma timidité ; j'ai pris de l'assurance ; j'ai pu - enfin - m'exprimer en tant que basketteuse pro de haut niveau ; échanger aussi bien avec le coach qu'avec les autres joueuses ... Au 3x3, chaque fille participe au débrief, c'est un débrief entre meneuses, on est toutes considérées.

Techniquement, je suis devenue polyvalente car j'ai pu explorer des techniques que je n'aurais jamais pu appréhender en 5x5. Mes appuis sont devenus plus sûrs, mes tirs à mi-distance aussi, j'ai gagné en mobilité, en réactivité ... Le jeu va vite, très vite, on est dans l'immédiateté, la précision. C'est du un contre un, il faut tenir son adversaire, assurer son propre jeu, ne rien lâcher. Quand une décision doit être prise, c'est à l’instant présent. Je suis clairement devenue plus "incisive".
J’ai aussi développé la faculté de pouvoir avoir une autre vision du jeu, une lecture rapide des stratégies. Je cerne mieux mes adversaires, leurs psychologies. J'ai tout gagné par mon passage en 3x3.

Aujourd'hui, j'ai rejoint les parquets du 5x5 avec plaisir car je peux moduler mon jeu en puisant dans mon expérience du 3x3. Mon nouveau challenge : gagner encore des titres, des médailles, des trophées ! »

ma fierté,
être maman

ma fierté,être maman

© Ana-Maria Filip

 Quelle est ta plus grande fierté ? 

 

Ana-Maria Filip (très vive) : « Être maman ! (rires) J'ai toujours eu envie d'être maman ... Depuis très jeune, j'y pense.
Ma mère l'a fait avec moi, je trouve qu'elle a assuré à tous les niveaux ; c'était cool. Je voulais être comme elle un jour : être une sportive de haut niveau et devenir maman.

Cela n'a jamais été deux choses incompatibles dans mon esprit, je n'ai trouvé aucune raison qui aurait pu me faire penser que cela devait être un choix un jour.

Me concernant, c'est moi qui ai décidé d'avoir un enfant. Dès juillet 2022, j'étais sans contrat et je savais qu'aucun club n'allait me resigner enceinte de toutes façons. La maternité reste un sujet délicat, tabou, dans le sport. Il y a du travail à mener à ce sujet. Nous ne faisons pas un métier comparable à ceux des autres femmes où elles peuvent conserver leur salaire et prendre un congé maternité. Mais étant dans cette situation, je savais aussi que je pourrais pleinement profiter de ma fille, vivre avec elle ses premiers moments, la voir grandir. Ma famille, ça n'a pas de prix.

Après, je ne suis pas la seule basketteuse à être devenue maman et à avoir repris le chemin des terrains ; c'est juste que ce n'est pas quelque chose de médiatisé : Isabelle Yacoubou, Sandra Dijon, Géraldine Robert, etc. sont revenues à leur plus haut niveau. »

 


 La maternité a-t-elle changé ta philosophie de vie ? 

Ana-Maria Filip : « Oui, être devenue maman m'a enseigné de surtout plus relativiser. Ma fille me donne tellement de bonheur ... Et puis, j'ai réalisé déjà pas mal d'objectifs dans ma carrière, alors je me dis que maintenant, tout ce qui va m'arriver, je le vivrais que comme du bonus. Quand les choses arrivent ... c'est qu'elles doivent arriver ... Quand ça vient, ça vient ... Avant je m’épuisais mentalement à sans cesse ressasser, je me mettais une pression personnelle énorme, à ne pas en dormir la nuit. 

J'aime m'occuper de ma fille ! (beau sourire plein de douceur). Je lis beaucoup de livres sur le développement personnel. Je m'interroge sur quels savoirs je pourrais lui transmettre. Je veux le mieux pour elle. 

Concernant la grande taille, pour l'instant je ne me pose pas encore de question. Elle est en bonne santé, elle est heureuse, le pédiatre me dit de ne pas me faire de souci à ce sujet. Plus tard, je verrais. Au centre de formation du club, je vois des jeunes filles très grandes, je sais que le jour où je me poserais des questions sur le vécu de leur taille, par rapport à leur génération, je m'autoriserais à aller les interroger. » 


 Diana sera-t-elle la 3ème génération 
 de basketteuses ? 

Ana-Maria Filip : « Je ne crois pas, enfin je ne l’encouragerais pas à faire du basket. Elle fera le sport qui lui plaira. L'athlétisme c'est bien comme sport, par exemple. J'aime bien ce sport pour la coordination.
Je ne veux que du positif et de la bienveillance autour de ma fille. Je veux que l'on parle d'elle en pensant "Diana la bien heureuse". »
 

 


 Acceptes-tu de te confier sur ta grossesse, puis sur ta préparation physique pour retrouver les terrains ? 

Ana-Maria Filip : « Pendant ma grossesse et après mon accouchement, j'ai été très fatiguée, mon corps avait atteint ses limites. J'avais beaucoup trop forcé, je le reconnais. Comme mon métabolisme fait que je ne prends pas beaucoup de poids, j'avais décidé de continuer à jouer, enceinte les premiers mois ; ma mère l'avait bien fait avec moi, donc je me suis convaincue que je pouvais très bien faire comme elle. 

Certains coachs étaient mêmes sceptiques quant à mon retour sur les terrains. En disant cela, ils ont déclenché mon envie de revenir encore plus vite à mon plus haut niveau ! 

J'ai eu la chance d'être très bien entourée pour ma réathlétisation. Comme je suis une sportive de haut niveau, que j'ai fait les Jeux Olympiques, je suis sur une liste ministérielle. Habitant Bourges, j'ai pu avoir accès aux infrastructures du Creps. Je n'ai pas eu à galérer pour avoir un préparateur physique, réserver une salle pour m'entraîner. Tout avait été très bien organisé en amont.

Mes premières séances de réathlétisation ont été compliquées. J’étais moins tonique, j'ai dû retravailler toute ma base, ma sangle abdominale, le périnée, etc.

Les gestes, ma technique, par-contre, étaient toujours là, vifs et précis, donc j'étais confiante, ce n'était qu'une question de temps et de persévérance ! ... »

en off

en dehors des terrains

© Ana-Maria Filip

 En parcourant ta bio, on a découvert que tu étais diplômée d'un BTS en Commerce international ainsi que d'un Bachelor en Marketing ; que tu parlais l'anglais, l'espagnol et l'italien, outre le roumain et le français ; et qu'en 2021, tu as obtenu Diplôme Universitaire Optimisation de la préparation physique par l'haltérophilie et la force athlétique ... 

Ana-Maria Filip : « Oui, alors ... Quand on a 18 ans, on nous rabâche qu'il faut faire des études pour penser à l'après-carrière. Ma mère a fait des études en Roumanie et quand elle est arrivée en France, ses diplômes n'étaient pas reconnus car il n'y avait pas d'équivalent. Moi, ado, à l'école, j'étais plutôt distraite, un peu bavarde, je faisais le stricte nécessaire et ça allait.

Comme études, j'ai choisi de faire un Bachelor en Marketing, mais je crois que ce n'était pas le bon choix de cursus car ce que l'on m'a enseigné à cet âge n'a plus rien avoir avec le contexte actuel ; le marketing ça évolue tellement vite ... Aujourd'hui, on parle d'ailleurs plus d'e-marketing et c'est des notions qui n'existaient pas à l'époque !

Mis à part mon BTS et le TOEIC, que j'avais passés en présentiel, mes autres diplômes, j'ai pu les passer en distanciel. Pour tous les athlètes, c'est bien d'avoir cette possibilité de concilier études et carrière pro. »

 

 Ton Diplôme d' Optimisation de la préparation physique par l'haltérophilie et la force athlétique, c'est en vue de ta reconversion future ? 

Ana-Maria Filip : « Non, ce n'était pas dans cet objectif premier que j'ai passé ce diplôme - il me servira, c'est sûr -, mais c'est dans une démarche de me nourrir d'informations qui me sont utiles en temps réel, à ce moment-là de ma carrière sportive. Je veux être au fait de ce qu'il m'est possible de faire avec mon corps en fonction de mes besoins du moment. »

 Tu lis également des biographies 
 de sportifs professionnels ... 

Ana-Maria Filip : « Oui, je trouve leurs témoignages intéressants et souvent très inspirants.
Je lis autant de bios que de livres sur le monde du sport en générale et pas uniquement sur le basket. J'aime pouvoir puiser dans les partages d'expériences, dans les récits des éléments qui peuvent me faire progresser dans mon quotidien, aussi bien sur le plan sportif, mental et technique, que sur le relationnel et la vie perso. C'est d'ailleurs dommage qu'il n'y ait pas autant de livres sur les femmes. »


 On a parlé d'e-marketing, quel rapport entretiens-tu avec la notoriété, les réseaux sociaux ? ... 

Ana-Maria Filip : « Les réseaux sociaux, c'est assez nouveau ... Et c'est de boulot à gérer ... Il faut apprendre à ne pas s'y perdre ; il y a vraiment de tout sur Internet et aussi dans les messages que l'on reçoit, il faut savoir faire le tri. 

Je pense que j'ai eu cette chance, quand j'étais à l'INSEP, que l’on n’ait pas eu tous ces écrans. On était un groupe de copains, on se soutenait, on échangeait entre nous, on vivait des moments. Aujourd'hui, j'observe les jeunes espoirs, je les trouve plutôt seuls, isolés, ils sont chacun derrière leurs écrans ... 

Au niveau des clubs, les réseaux participent à leur professionnalisation, à leur image.
En tant que joueuse, on est dans un métier de représentation. Les matchs comme les après-matchs, tout est médiatisé. Cela fait partie du job. Les clubs nous mettent en avant pour avoir des sponsors ; ces-derniers apprécient cette proximité avec l'équipe et donc nous soutiennent financièrement en contrepartie. 

Au Tango Bourges Basket, où je suis, c'est fait d'une manière très pro, donc c'est bien, cela nous permet d'avoir de très belles infrastructures et des prestations à la hauteur des plus grands clubs européens. C'est une super chance. » 

 

 Dans les thèmes du web magazine 1MÊTRE90, on œuvre pour fournir de plus de sujets sur la mode, dénicher des créateurs·trices ...
Quel est ton rapport à la mode ? 

Ana-Maria Filip : « Je l'ai déjà dit, mais je le pense, c'est une chance de porter du sportwear tous les jours ! (rires) Notre métier, en vrai, est extra pour ça, pour les filles grandes ! Je me fais souvent cette réflexion. 

Avec le club, nous participons à des événements avec les partenaires-sponsors. Les gens nous observent inévitablement et d'encore plus près que sur le terrain ... Mais moi aussi ... je les observe (rires). Je les regarde tous habillés, bien habillés, les femmes surtout. Elles sont toutes bien habillées, très apprêtées et je me dis "wouah, quelle galère ce serait pour moi si j'étais à leur place !" Comment je ferais si je devais travailler tous les jours dans un bureau, avoir plusieurs tenues pour chaque jour, pour les différents événements ? ... Pour moi, vue ma grande taille, quelle angoisse ce serait !

J'aime être coquette, prendre soin de moi. Encore plus depuis que je suis maman, j'éprouve ce besoin. J'ai envie d'être féminine pour ma fille pour qu'elle se dise "elle est belle ma maman" et pour plaire à mon compagnon aussi. Mais quand je quitte mes tenues de sport, c'est quelque chose que je fais pour moi et pour eux, par plaisir. Si je devais le faire tous les jours dans un autre contexte professionnel que le mien, ce serait une vraie contrainte. C'est déjà compliqué de trouver des vêtements avec des longueurs adaptées à ma taille, mais encore plus pour ma morphologie ... Je suis très fine pour une sportive de mon gabarit. Et beaucoup de filles comme moi, mêmes plus petites que moi, se retrouvent dans ce problème : dès que les marques choisissent de proposer des vêtements plus longs, leurs modèles deviennent aussi plus larges ... Les marques, pensez à nous ! »

 

 Et ... chez toi ? On est un peu curieux ... On sait que la vie d'athlète de haut niveau, c'est être tout le temps en déplacement, en bus, à l'hôtel et que cela n'a rien de reposant. As-tu réalisé des aménagements dans ton intérieur, qu'as-tu fait pour ton cocon ? 

Ana-Maria Filip : « C'est vrai que jouer en extérieur c'est compliqué au niveau de la récupération pour tous les athlètes de grande taille, quel que soit le sport d'ailleurs. Les lits des chambres d'hôtels ne sont pas assez longs, etc. Dans le bus, j'aime être assise près de la sortie de secours car c'est la meilleure place pour les allonger ses jambes ; on s'arrange avec les filles. 

Après côté 'cocon', comme beaucoup de grands en général, on ne peut pas tout faire comme on l'aimerait ! Pour le lit, par-contre, la question de faire une concession ou pas ne s'est pas posée. C'est "LE" confort que nous avons privilégié en premier. Le reste viendra. »

actualité

actualité

Ana-Maria publie régulièrement ses moments de vie professionnelle et parfois perso sur son compte Instagram.

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 Remerciements 

Merci, Ana-Maria, d'avoir accepté cette interview et confié tes photographies pour l'illustrer 😉

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